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Prête à se réunir à des manes funebres,
Médite en éclatant un sinistre dessein,
Et se plonge avec art un poignard dans le sein ?
N’allez pas, lorsqu’il faut nous arracher des larmes,
Étaler froidement vos pompeuses alarmes,
Par un rithme importun corrompre nos plaisirs,
Mesurer vos transports et noter vos soupirs ;
Et quittant le vrai ton pour une emphase vaine,
Faire tonner l’amour et mugir Melpomene.
Le sentiment se taît, et sait bien s’exprimer ;
L’actrice doit le peindre, et non le déclamer.
Contemplez de Makbet l’épouse criminelle,
Sous ces murs, où son roi fut égorgé par elle ;
Cette femme s’avance aux yeux des spectateurs,
Et vient, en sommeillant, expier ses fureurs.
L’inflexible remord, dont elle est la victime,
Agite son sommeil des horreurs de son crime.
Ses bras sont teints de sang, qu’elle détache en vain ;
Sous la main qui l’efface il reparoît soudain ;
J’admire en frissonnant ; ô muette éloquence !
Quel mouvement ! Quel geste ! Et sur-tout quel silence !
Muse, soutiens mon vol, échauffe mes esprits ;
Que la variété préside à mes écrits.
Il est d’autres secrets et des routes nouvelles :
Ainsi que ses leçons, chaque art a ses modeles.