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Me retracent les cris, le choc des combattans ;
Que sur-tout la mémoire, en ces momens fidelle,
Lorsque vous commandez, ne soit jamais rebelle,
Et ne vous force point, glaçant votre chaleur,
D’aller, à son défaut, consulter le souffleur.
Pour fixer nos esprits, et plaire à Melpomene,
Seule sachez remplir le vuide de la scene.
Le public n’y voit plus, borné dans ses regards,
Nos marquis y briller sur de triples remparts.
Ils cessent d’embellir la cour de Pharasmane ;
Zaïre sans témoins entretient Orosmane.
On n’y voit plus l’ennui de nos jeunes seigneurs
Nonchalamment sourire à l’héroïne en pleurs.
On ne les entend plus, du fond de la coulisse,
Par leur caquet bruyant interrompre l’actrice,
Persiffler Mithridate, et sans respect du nom,
Apostropher César, ou tutoyer Néron.
Si le succès enfin remplit votre espérance,
On vous verra peut-être, avec trop d’assurance,
Vous fiant au public, sans prévoir ses retours,
Retomber mollement dans le sein des amours.
De l’art de déclamer connoissez l’étendue :
Telle l’ignore encor, qui s’y croit parvenue.
Le premier feu produit ces succès éclatans ;
Mais la perfection est l’ouvrage du tems.
L’amour-propre souvent, juge trop infidele,