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Telle est, dans son ivresse, une actrice arrogante,
Qui sans cesse interroge une glace indulgente,
Concerte ses regards, aligne tous ses pas,
Applaudit à son jeu, sourit à ses appas.
Cette froide méthode est pleine d’imposture.
Votre ame est le miroir où se peint la nature.
Dans une glace, où l’œil s’abuse à tout moment,
C’est l’orgueil qui vous juge, et non le sentiment.
Vous y voyez un teint que le soir même efface,
Et de votre beauté la magique surface :
Sous ces habits flottans avec pompe étalés,
C’est Flore, c’est Vénus que vous y contemplez.
Mais y remarquez-vous, aveugle et complaisante,
Ces pénibles ressorts d’une ame languissante,
Vos gestes empruntés, ces yeux toujours muets,
Qui peignent la douleur, et ne pleurent jamais ?
Chacun de vos défauts obtient votre suffrage :
C’est ainsi que Narcisse adoroit son image.
Consultez votre cœur : c’est là qu’il faut chercher
Le secret de nous plaire, et l’art de nous toucher.
Par une longue étude une fois enhardie,
Alors suivez l’attrait et l’essor du génie ;
Le courage l’éleve, et la crainte l’abat ;
Du grand jour sans pâlir envisagez l’éclat.
Paroissez, armez-vous d’une noble assurance,
Et de cette fierté que permet la décence.