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Jugez-vous de sang-froid, et d’un regard sévere,
Observez de vos traits quel est le caractere.
On doit voir sur vos fronts respirer tour-à-tour,
L’ambition, la rage, et la gloire et l’amour.
Voulez-vous sur la scene exciter la tendresse ?
Il faut que votre abord, que votre air intéresse,
Et puisse faire éclorre en nos cœurs agités,
Toutes les passions que vous représentez.
Sans ces charmes touchans, que d’abord l’œil admire,
Me rendrez-vous sensible aux douleurs de Zaïre,
Qui, d’un culte nouveau craignant l’austérité,
Pleure au sein de son dieu l’amant qu’elle a quitté ?
Ah, Gaussin, que j’aimois ta langueur et tes graces !
Tu désarmois le tems enchaîné sur tes traces :
Il sembloit à nos yeux t’embellir chaque jour,
Et respecter en toi l’ouvrage de l’amour.
Aux rôles furieux vous êtes-vous livrée ?
Qu’un œil étincelant peigne une ame égarée.
Ayez l’accent, le geste, et le port effrayant ;
Que tout un peuple ému frémisse en vous voyant ;
Qu’on reconnoisse en vous l’implacable Athalie,
Et les sombres terreurs dont son ame est remplie ;
Que j’imagine entendre et voir Sémiramis,
Bourreau de son époux, amante de son fils,
Qui, dans un même cœur, vaste et profond abyme,
Rassemble la vertu, le remords et le crime.