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La critique éclairée y veille à vos succès,
Et vous ouvre à la gloire un plus facile accès.
L’actrice renommée y brille en souveraine ;
Ses droits sont dans nos cœurs, son trône est sur la scene.
Mais détournez vos yeux de ces rians tableaux ;
Cette gloire tardive est le fruit des travaux.
Le laurier ne croît point où s’endort la mollesse ;
Cultivez votre organe, exercez-le sans cesse ;
Sondez le cœur humain, parcourez ses détours :
De la langue françoise étudiez les tours.
L’actrice qui chérit sa superbe ignorance,
Rampe, malgré tout l’or du Crésus qui l’encense.
Paraît-elle ? Aussi-tôt elle s’entend siffler.
Avant de déclamer, on doit savoir parler.
De l’art de prononcer faites-vous une étude :
La voix est un ressort qui cede à l’habitude ;
C’est la route du cœur ; sachez vous la frayer ;
Séduire mon oreille, et non pas l’effrayer.
Je condamne au silence une actrice profane,
Qui change en cris aigus les soupirs d’Ariane,
Celle qui ne formant qu’un bruit vague et confus,
Laisse expirer ses tons, avec peine entendus,
Ou qui, les yeux en pleurs, de deuil enveloppée,
Évoque, en grasseyant, les manes de Pompée.
Tremblez, défiez-vous d’un instinct pétulant,
Qui fait tout hasarder, et ressemble au talent.