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Sous des bosquets rians, qu’embaume l’oranger,
Chaque jeune bergere a conduit son berger.
Les uns de joncs tressés composent leur coëffure :
D’autres avec des fleurs nattent leur chevelure.
On s’anime à l’envi de l’œil et de la voix :
Le tambourin résonne, et tout part à la fois.
Je ne sais quel instinct regle chaque attitude :
La grace, ailleurs captive, ici naît sans étude.
Les gestes et les pas, d’un mutuel accord,
Peignent la même ivresse et le même transport.
Sur des bras vigoureux on souleve une belle :
On s’enlace, on s’éleve, on retombe avec elle.
Que de baisers reçus, ou ravis, ou donnés !
Que de crimes charmans, aussi-tôt pardonnés !
L’ombre n’interrompt pas cette douce démence ;
Lorsqu’un plaisir s’envole, un plaisir recommence.
Pour s’occuper la nuit, l’amante, en ce moment,
Dépose dans son cœur les traits de son amant ;
Et le lendemain même, alors qu’elle s’éveille,
Répete encor les airs qu’ils ont dansés la veille.
Provence fortunée, asyle aimé des cieux,
Que j’aimerois ton ciel, ton délire et tes jeux !
Ici, tout est glacé, tout est morne, ou fantasque :
Du bonheur qui te rit nous n’avons que le masque.
Les temples de nos arts sont de tristes réduits
Où nous courons en pompe étaler nos ennuis.