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J’aime à voir son effroi lorsque la foudre gronde,
Et ses regards errans sur les gouffres de l’onde ;
Ses sons plaintifs et sourds me pénetrent d’horreur,
Et son silence même ajoute à ma terreur.
Grace à l’illusion, je sens trembler la terre ;
Cet airain, en roulant, me semble un vrai tonnerre :
Ces flots que l’art souleve et sait assujettir,
Sont des flots écumans, tout prêts à l’engloutir ;
Et lorsque le flambeau des pâles euménides
Éclaire son désordre et ses graces timides,
J’éprouve sa frayeur, je frissonne, et je croi
Entendre tout l’enfer rugir autour de moi.
Telle est du grand talent la puissante féerie ;
Il rend tout vraisemblable, il donne à tout la vie ;
Il anime la scene, et, pour dicter des loix,
À peine a-t-il besoin du secours de la voix.
À ces divers effets comment pourroit prétendre
Celle qui, sur la scene affectant un air tendre,
Sensible par corvée, et folle par état,
Quand son air est chanté, sourit au premier fat,
Provoque les regards, va mendier l’éloge
De ce jeune amateur endormi dans sa loge ;
Et le cœur gros encor, l’œil de larmes trempé,
Arrange, en minaudant, tout le plan d’un soupé ?
Que jamais votre esprit ne soit hors de la scene,
Que votre œil au hasard jamais ne se promene.