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le dauphiné.
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noms qui y avaient vécu. Et de leurs pierres disjointes, tout un passé s’est levé. Un passé qui bientôt, hélas ! ne se lèvera plus !

La pioche des démolisseurs achève la ruine de ces ruines. Dans dix ans, il n’en restera rien — que les monuments historiques.

Déjà sur plus de la moitié de la masse bâtie, se dressent froides et hautaines les maisons des bourgeois. Des parterres anglais déroulent leurs pelouses — et la place Victor-Hugo, et la place de la Constitution, avec sa bordure de palais, sont le dernier cri de la ville haussmannisée. On s’y promène en smoking, en chapeau haut de forme, ce hideux chapeau haut de forme que, jusqu’ici, la province avait eu le bon goût de ne pas emprunter à la capitale ; on s’y donne rendez-vous pour les prochains five o’clock ; sur les trottoirs, des orchestres s’installent et se font entendre jusque bien avant dans la nuit…

Grenoble. — La salle des comptes, au Palais de justice.

Moi, j’aime mieux ma « Grenette » et son jardin, avec l’hôtel que Lesdiguières habita et la vieille tour du temps de Dioclétien.

J’aime mieux Saint-Laurent et sa crypte carolingienne lézardée, pisseuse, boiteuse sur ses colonnes de marbre.

J’aime mieux la cathédrale, mêlée de tous styles, allant du roman au flamboyant mais belle encore par ses détails d’abside qui, suivant le cartulaire de Saint-Hugues, auraient été construits vers le milieu du xe siècle.

J’aime mieux Saint-André, avec sa tour carrée et sa flèche octogonale percée d’ogives ; Saint-André, fier d’abriter le tombeau de Bayard…