nétable que le roi Louis XIII lui laissa ceindre après la mort du duc de Luynes.
Depuis cette solennelle conversion, Grenoble a mené sa vie sans heurts, sans secousses. Le bien-être est à peu près général ; la population laborieuse se suffit à elle-même ; son savoir se développe ; son Parlement, son Université comptent parmi les plus renommés.
Grenoble est heureuse parce qu’elle n’a plus d’histoire. Ce n’est que vers la fin du xviiie siècle qu’elle en retrouvera une — et la plus belle — en donnant, avec Mounier et Barnave, le signal de la Révolution.
Et plus tard nous la verrons encore faire une autre révolution, une révolution industrielle, celle-là : la révolution de la ganterie.
C’est presque une œuvre d’art que le gant grenoblois ; « quelque chose de fini et de complet » comme disent les prospectus des magasins de nouveautés.
Il y a trois cents ans, les poètes le chantèrent et Scarron lui-même tourna en son honneur un quatrain dans le Virgile travesti.
On répétait alors volontiers ce proverbe : que pour avoir un gant irréprochable,
il fallait que l’Espagne en eût préparé la peau et Grenoble la
coupe. Grenoble vous avez bien
Grenoble. – La fontaine du Lion.lu ! – Grenoble, et non pas Blois, et
non pas Vendôme ou Paris qui, eux
aussi, taillaient et mégissaient ; non
c’est Grenoble, seule, l’arbitre de la
mode.
En 1800, sa fabrication va partout,
en Allemagne, en Suisse, en Savoie,
en Piémont ; elle va pénétrer en Angleterre,
quand arrive Bonaparte et
le blocus… À ce moment la ruine
attend les maîtres gantiers, mais
Jouvin est là pour les sauver tous.
Grâce à son nouvel outillage, la prospérité
revient ; des fortunes se créent
rapides ; près de quinze mille femmes
sont occupées dans les campagnes.
On compte cent cinquante établissements
en activité et quatre mille ouvriers.
Pour quel travail compliqué,
minutieux !
Une peau est là devant vous, fraîchement tirée de la bête. Il s’agit de faire un gant. Peu commode. Il faut d’abord la tendre, cette peau – et puis la palissonner pour qu’elle