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le dauphiné.

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crues, dont Louis XII faisait « le plus beau jardin de son gentil pays de France ».

Voiron. — Vue générale.

Meuh ! meuh !… la grosse voix des bonnes vaches lentes, et les petits faussets des veaux bien gras ; des hue et des dia, et des jurons lancés dans notre patois, le vrai, le seul patois, celui qui ouvre les a comme des portes cochères et ferme les e comme des trébuchets ; les maquignons aux trognes luisantes et les vieilles assises qui tiennent des chapelets de poules par les pattes ; et les cafés largement ouverts, à l’ombre des laurettes, l’arbuste national de l’aubergiste dauphinois… Un flot de vin coule, macule les tables de gros bleu, des bouteilles vides titubent, — moins cependant que l’ivrogne qui s’efforce à détailler, la bouche pâteuse, les quatorze ou quinze couplets d’une chanson patriotique, ainsi finissant :

Soldats que la victoire abrite sous son aile,
Malgré tous nos revers et malgré vos succès,
Non, vous ne boirez pas le vin de la Moselle,
Envers et contre tous je resterai Français…

Nous sommes à Voiron, au marché.

Le soir, dans les routes, c’est une forêt de cornes qui marche, de gros yeux vous regardent, ahuris, des mufles humides vous frôlent au passage, les meuh !… se suivent, se répondent de troupeaux à troupeaux, et le bruit des sonnailles couvre d’un murmure très doux la campagne enténébrée…

Voiron, sur un coteau dominé par la Vouyse ; Voiron, au bord d’une faille étroite, au fond de laquelle coule la Morge.