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le dauphiné.

Le 9 mars 1815, une petite troupe entrait dans le bourg. C’était lui, accompagné de ses généraux Bertrand, Drouot, Jannin, Martel el Bizannet. On l’acclame, on se presse afin de le mieux voir. Les principaux du pays défilent à la parade. Pour tous, il a des paroles aimables excepté, cependant, pour le notaire et pour sa femme.

— Combien avez-vous d’enfants ? leur demande-t-il à brûle-pourpoint.

— Pas un, Sire.

— Tant pis. Des enfants et quelques actes de moins, tout n’en irait que mieux.

Rives.

Et la procession des notables continue. Même bonne humeur, qu’accompagne souvent le coup de boutoir traditionnel.

Enfin on introduit un officier, vieux débris balafré, couturé. Le grognard, tremblant, n’ose regarder son Empereur.

— Où as-tu fait la première campagne ?

— Au siège de Toulon, à la redoute de Gibraltar.

— À la redoute où fut blessé l’intrépide Dugommier !… Après ?

— Armées d’Italie, d’Égypte. Trente-deuxième demi-brigade, aux Pyramides…

— La trente-deuxième ! et tu n’en parlais pas !… Ta retraite ?

— Six cents francs.

— Six cents francs à un lapin de ma trente-deuxième ! C’est ainsi qu’on traite mes braves ! Quelle horreur ! Drouot, notez ce capitaine pour la croix et six cents francs de plus.