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le dauphiné.

Il n’est plus Dauphinois, il est Français simplement et cela vaut mieux.

Il est jeté dans le « moule national » — un moule, du reste, infiniment plus compliqué et intéressant que celui de jadis — ce moule, qui fixe l’admirable unité de la France, assure sa force, sa fécondité de mère commune.

Est-ce à dire maintenant que la « médaille dauphinoise » se soit à ce point effacée qu’elle ne laisse plus rien voir de son profil ? Non, certes.

Dans la lutte économique qui entraine aujourd’hui l’Europe, le montagnard a le pied assez sûr pour garder toujours la meilleure place.

Il peut, avec ses ressources d’émigrant, devenir notre premier colon.

Il peut, avec sa houille blanche, devenir notre premier industriel.

Il peut avec ses hauts sommets, faire oublier la Susse

… Sommets du Pelvoux, de Belledonne et de Chartreuse dont la vision me poursuit encore…

Vision de forêts balayant en longues traînes les premiers degrés des rochers ; vision de torrents chevauchant dans le tumulte des ravines ; vision de lacs immobiles, ensommeillés ; vision de chaos : d’aiguilles, de pics, de brèches et de tours blêmes, sépulcrales, roides de glace, trouant de leurs têtes, saignantes au crépuscule, les bleus exaspérés du ciel…

Vision de moraines étalées comme des fleuves, vision de mazuts cloués aux gorges ; vision de murailles décharnées et de cascades hurlantes… Vision de houle, vision de mort, et vision d’harmonie et de panthéisme fervent.

Vision, dernière vision du Dauphiné…

Dans les hauts pâturages.