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le dauphiné.

fait de mottes de terre creusées par un enfant. On l’appelle la Fure, ce ruisseau éliacin. Ne vous hâtez point de sourire de sa faiblesse. La Fure est un bon gosse très utile, et pas bruyant du tout, et pas fantasque du tout, ce qui est une grosse qualité pour un ruisseau iséran.

Aussi bien, vous le voyez ici, petit, encore dans ses langes, mais il grandira, il « forcira » — et si vous allez le retrouver à Rives, vous ne le reconnaîtrez plus, tant il vous paraîtra sérieux et sûr de lui, ouvrier modèle occupé à faire mouvoir d’interminables papeteries, et des métiers, et des forges, et bien d’autres machines !…

Nous la traversons cette jolie Fure — et voilà Charavines, qui doit nous conduire, par un tracé montant, sablonneux, malaisé, à la Chartreuse de Silve-Bénite.

L’histoire entière du bassin de Paladru se résume dans celle de sa Chartreuse.

Qu’était-ce donc que sa Chartreuse ?

On ne sait guère. Il en reste si peu ! Morceaux informes, chicots de murailles, au milieu des fermes et des écuries…

Quelle architecture ? Viollet-le-Duc lui-même hésiterait.

Cela existe depuis 1116. Le fondateur fut, dit-on, certain Thierry, fils naturel de Frédéric Barberousse.

Débuts faciles. L’Empereur cède à la communauté des domaines considérables et un grand nombre de droits féodaux sur les paroisses voisines. Et c’est le calme dans la richesse.

Les redevances sont si régulièrement acquittées, que les bons Pères n’ont qu’à remercier la Providence de leur avoir fourni si généreuse prébende.

Cependant, il devait y avoir bientôt des réfractaires à cette loi de recouvrance.

On raconte que les habitants de la rive occidentale du lac se fatiguèrent de voir, chaque année, leurs moutons et leurs porcs les plus gras, prendre le chemin de la procure.

Il y eut révolte, siège en règle.

Les moines sont délogés ; ils fuient. Le pape apprenant cette défaite, excommunie les infidèles et pour que la leçon soit encore plus profitable, Barberousse en personne vient, suivi de son armée, venger l’insulte faite à son fils.

Un Barberousse redresseur de si minces torts ! une armée contre une centaine de paysans !… Tout cela est-il vrai ?

M. Macé hoche la tête.

Ce qui est plus vrai, c’est que, vers la fin du xviie siècle, nos seigneurs de la Silve-Bénite avaient vu leur nombre croître à tel point que les salles du vieux couvent, œuvre de Thierry, furent insuffisantes pour loger novices et frères.

En conséquence, le général décida d’élever de plus spacieux bâti-