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le dauphiné.

tement reconnaissables ; les remparts sont restés debout sur plusieurs points, et, partout où ils sont tombés, on retrouve et on peut suivre leurs fondations. Quant aux pierres qui manquent, elles ont été employées à bâtir les églises, l’hôpital et le collège. Derrière les murs, s’élevèrent un palais impérial, un palais du Sénat, un panthéon, un temple de Mars, un temple de la Victoire, un théâtre et un forum ; et pour garder sa conquête, que Rome, maîtresse jalouse, venait d’enfermer dans son arène de pierres, à la cime de chacune des montagnes qui dominent la vallée, elle bâtit une forteresse…

« Mais bientôt ces remparts devinrent trop étroits, et la population se débanda de deux côtés ; des maisons, des temples et des palais s’élevèrent… Alors un pont s’étendit sur le Rhône, qui unissait le faubourg aux centres ; des miracles d’architecture surgirent de tous côtés… C’est alors que Vienne fut appelée Vienne la Belle ; que César lui donna pour armes l’aigle maternelle, et qu’Auguste en fit la capitale de l’empire romain dans les Gaules : Colonia Julia Viennensis. »

La nouvelle métropole adopta, avec une merveilleuse souplesse, la langue et les arts de ses conquérants.

Cette période d’un siècle — jusqu’à Vitellius — marque le faîte de sa grandeur. Ses écoles rivalisent avec celles de la Grèce et deviennent, de l’aveu des poètes latins eux-mêmes, le foyer littéraire le plus actif des provinces. Mais voici que vont venir les épreuves, terribles lendemains des bonheurs. Les guerres qui suivent la chute de Néron saccagent impitoyablement la ville.

La malheureuse ne se relèvera de ces brutalités que sous Dioclétien. Dans la nouvelle division de l’empire, elle redevient capitale. Constantin y séjourne ; Valentinien II y meurt…

Et les Barbares passent sur elle sans l’entamer ; et au partage général des dépouilles d’Occident, la vice-reine des Gaules est adoptée par les Burgondes.

Ses rois bâtissent leur château près du Rhône ; une tour carrée prend la place du forum ; Saint-Maurice dégage ses premières pierres ; où était le panthéon, se dresse la basilique dédiée à Étienne, premier martyr de l’Église ; les collines se couvrent de monastères. « Vienne la Belle est maintenant Vienne la Sainte. »

Elle conservera ce nom jusqu’à la fin du dernier siècle ; « mais, ruinée par les Saint-Barthélemy, démantelée par Richelieu, qui fit sauter sa forteresse, sillonnée par les dragons de Louis XIV, oubliée par Louis XV et Louis XVI, Vienne, qui avait gardé le souvenir des jours de sa prospérité, embrassa avec ardeur la cause de la régénération populaire. Elle se jeta dans l’opinion républicaine — et Vienne la Sainte disparut devant Vienne la Patriote. »

Vienne la Belle, Vienne la Sainte, Vienne la Patriote ! Figurez-vous un multiple réseau de venelles tortueuses, cassées de saillies — des venelles