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le dauphiné.

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perte de vue, comme une mer de houle ; mais, dans des splendeurs de clartés, les villages s’égrènent, se tiennent tous enchainés par les anneaux rouges de leurs tuiles, semblent danser la farandole autour des collines rondes…

C’est Châteauneuf-de-Mazenc et les brèches de sa forteresse, qui servit de cachot au comte de Valentinois et au prince d’Orange ; c’est la Bégude ; Souspierre, au pied des cimes dentelées en forme de scies de la gorge du Jabron ; Poët-Laval et ses potiers ; Dieulefit, aux toitures bossuées et penchantes. Et la montagne reparait, dernière visite de nos vieilles Alpes. Nous grimpons avec des han ! désespérés. Enfin voici le col ; voici Comps, le bassin de la Rimandoule et à droite, un chemin serpigineux. Prenons ce chemin, puisqu’il descend, car de la montée, zut, j’en ai assez !

La forêt de Saou.

Les carapaces rocheuses se soulèvent en de rauques efforts ; la pyramide de Rochecourbe et celle de Montmirail semblent sortir de la bouche d’un volcan, tant elles restent encore secouées de convulsions…

Descendons toujours. Soudain, en coup de théâtre, tout au bas, des maisons : Bourdeaux. Qu’est-ce que c’est que ça ? Une ville ? — Non. — Un bourg ? — Non. — Un village ? — Non plus. Alors quoi ? Bourdeaux, c’est Bourdeaux.

Imaginez du gothique, de la Renaissance, de l’italien, du hollandais, mêlez tout cela et lâchez tout cela ensuite sur des pentes rêches : vous aurez Bourdeaux. Ahurissement, saisissement. Mais au bout d’une heure, les impressions se fixent, et voici alors ce que l’on croit voir : des fortins