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le dauphiné.

ont des manoirs historiques qui, comme tels, virent rôtir leurs douzaines de parpaillots…

Et Montélimar n’est pas heureuse !

Montélimar a des ambitions ; Montélimar — faut-il le révéler ? — depuis qu’elle compte un président du Sénat, voudrait être capitale… de la France ? Non, pas encore… — de la Drôme seulement. Or tout cela est difficile, car Valence saura se défendre… Et c’est bien parce qu’elle connaît toutes ces difficultés que la pauvre ville se consume.

Mais elle se consumera toujours moins maintenant que jadis, au temps d’Inquisition.

Guy Allard nous raconte qu’en 1582 les calvinistes, ne reconnaissant plus aucun frein d’humanité ou de raison, achèvent de ruiner le couvent des Cordeliers, fondent sur Sainte-Croix, pillent tabernacles et sacristies, et brûlent les vénérées reliques de saint Hébrand.

Plus tard, en 1587, le 16 août, nous verrons le comte de Suze, après Lesdiguières, s’emparer de la place et présider aux mêmes boucheries. Impitoyable, il passe tout au fil de l’épée, plante ses drapeaux sur les cadavres en tas, tant de cadavres qu’un puits se remplit de leur sang jusqu’à son orifice. Trois jours après, cependant, il arriva que les rares soldats qui avaient pu se soustraire au massacre reçurent des renforts. Aussitôt ils attaquèrent, à leur tour, les ligueurs.

Les deux camps, dit Expilly, exaspérés par une haine ardente, firent des prodiges de courage, souillés par la plus odieuse barbarie. Enfin les ligueurs sont culbutés, égorgés ou chassés ; et leurs vainqueurs restent maîtres d’un monceau de décombres et de corps en putréfaction.

Dans des lointains bleus, la vallée se creuse, et sur une roche isolée, ainsi qu’un gros clou fiché en terre, apparaît la seigneurie de Grignan. Ici, François-Adhémar, xxe comte de Grignan, bien qu’il eût quarante années et en fût à son second veuvage, épousa Françoise-Marguerite de Sévigné.

« Il faut enfin que je vous apprenne, mande l’inimitable marquise à Bussy-Rabutin, que la plus jolie fille de France s’allie — non pas au plus joli garçon, mais à un des plus honnêtes hommes du royaume ; c’est M. de Grignan, que vous connaissez depuis longtemps. Toutes ses femmes sont mortes pour faire place à votre cousine, et même son père et son fils, par une bonté extraordinaire ; de sorte qu’étant plus riche qu’il n’a jamais été, et se trouvant d’ailleurs, et par sa naissance, et par ses établissements, et par ses honnêtes qualités, tel que nous le pouvions souhaiter, nous ne le marchandons point, comme on a accoutumé de faire : nous nous en fions bien aux deux familles qui ont passé devant nous. Il paraît fort content de notre alliance ; et aussitôt que nous aurons des nouvelles de l’archevêque d’Arles, son oncle, ce sera une affaire qui s’achèvera avant la fin de l’année. Comme je suis assez régulière, je n’ai pas voulu manquer