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le dauphiné.

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maudite aventure et ce qui peut arriver à un homme endormi qui se sert d’un réchaud dans ses nécessités de nuit. »

Ajoutons que, deux cents ans après Racine, les difficultés étaient encore tout aussi grandes. On raconte qu’un Anglais polyglotte fut obligé, pour acheter deux œufs frais, de s’accroupir dans un coin et de chanter à la manière des poules qui pondent.

Dieu merci, il n’en va plus de même aujourd’hui. Racine et l’Anglais pondeur peuvent revenir : ils se feront apporter, commodément, sans effort de mimique, un pot de chambre, deux œufs et bien d’autres choses…

À l’hôtel où je suis descendu, on parle un français d’une élégance à peine colorée de léger accent. Bien mieux, je trouve dans la salle à manger des interprètes habiles à converser en allemand, en italien, en espagnol…, de sorte que notre Anglais pourrait maintenant demander ses œufs en cinq langues.

Ma fenêtre s’ouvre sur un magnifique boulevard, face à la monumentale statue d’Émile Augier, présenté sous les traits d’un notaire donnant une consultation devant son bureau, style Empire ; plus loin, le Champ de Mars et le Rhône — et de l’autre côté du Rhône, les dents aiguës de la roche Crussol…

Mais il pleut à verse, à torrents, à fleuves, il vente à flots. Impossible de sortir sans risquer d’être enlevé par une trombe.

Restons donc enfermé. Et pour passer le temps, feuilletons le vieux livre de Valence.

Les origines de Valence ? C’est là problème encore à résoudre.

Ses habitants premiers étaient les Cavares. Et nous n’en savons pas davantage.

Il faut arriver au règne d’Auguste pour avoir des certitudes. Valence prend alors le titre de colonie romaine et se peuple de vétérans jusqu’au jour où elle est comprise dans la Narbonaise, puis dans la première Viennoise.

Passe la chevauchée barbare. Sarus, général de l’empereur Honorius, assiège, en 408, Constantin, dans l’enceinte même de la nouvelle ville. Il est repoussé avec de nombreuses pertes.

Les Wisigoths, quatre ans plus tard, emportent la place. Ils ne la gardent que peu de temps ; les Alains et, après eux, les Francs et les Lombards achèvent la conquête.

Vers l’an 737, le midi de la France était en proie aux irruptions des Maures. Ils occupaient toute la Provence et le Dauphiné, quand Charles Martel marcha contre eux et parvint à les déloger. Les moyens qu’il mit en œuvre furent terribles. Presque tous les bourgs de la contrée envahie disparurent, saccagés, brûlés — et, comme si ce n’était assez de toutes ces misères, voici que les Normands vinrent, à leur tour, faire œuvre de pillards. « Ils ne trouvèrent en nul endroit la plus faible résistance. Les habitants étaient tombés dans l’avilissement le plus abject ; les grands eux-mêmes