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le dauphiné.

Mais le résultat obtenu est déjà suffisamment honorable. Je dois d’ailleurs ajouter que, depuis cette reconstitution si mémorable, le calme est revenu s’asseoir au chevet de tous les membres de la haute société des épigraphistes.

Pourvu que l’entrée en scène d’un quatrième Caïus Atisius, et qui sait ? peut-être d’un cinquième, voire d’un sixième Caïus Atisius ! — les familles étaient si nombreuses autrefois ! — ne vienne pas les replonger dans l’incertitude et le trouble !

Mais non, je ne veux point envisager les possibilités de réalisation de si cruelle hypothèse !…

Et cette Bourbre, qui ne peut se résoudre, à son tour, à nous abandonner — et qui nous accompagne jusqu’à Virieu !

Drôle de petit village avec ses maisonnettes en pisé, sur un coteau ventru, taché de vignes. Toujours l’église romane — et au-dessus de l’église, le château, quadrilatère irrégulier soutenu par de hautes terrasses.

Il est d’âge respectable — xive siècle – ce château ! Pas rien que xive siècle — xvie et xviie aussi… Il en est de la plupart de nos monuments historiques comme de ce fameux couteau de Jeannot, à qui l’on changea successivement et le manche et la lame — et qui n’en resta pas moins, et n’en reste pas moins encore, et n’en restera pas moins toujours : « couteau de Jeannot ».

Et qu’importe, après tout, qu’elle ait été construite sous Charles V, remaniée sous Henri IV, élargie sous Louis XIV ?… Ces successives retouches empêcheront-elles la seigneurie de Virieu d’être presque une grande œuvre, avec son entrée défendue par l’épaisse courtine à machicoulis et à créneaux, et ses deux tours raides, massives, engoncées, lourdes de pierre !

Une galerie en forme de cloitre serpente dans l’intérieur, et au fond de la cour, largement ouverte, une chapelle profuse les pourpres chaudes de ses vitraux. Le gardien s’arrête, pénétré de respect, devant certaine chambre. Faut-il ôter ses souliers ? C’est la chambre du roi.

Louis XIII y reposa plusieurs nuits. On peut toucher de l’index la chaise et le fauteuil qui furent siens. Touchons de l’index et même commettons cette irrévérence de nous asseoir sur… oui, sur le propre fauteuil de Sa Majesté !… Cependant, il y a mieux à faire que de se livrer à ces petits exercices de famille londonienne en voyage. La fenêtre, béante devant nous, domine les ondulations du plateau.

Des collines viennent s’abattre, en pentes très douces, dans les vallons que les eaux éparses couvrent d’une résille de lacs empanachés d’herbes rêches.

Le chaos des terres froides commence. On peut le suivre, profilant ses arêtes et ses dômes, jusqu’au massif chartreux, auquel il se rattache par sa semblable unité de contexture. Terres froides, les bien nommées :