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le dauphiné.

chairs au milieu de douleurs affreuses, dit Pic de la Mirandole. Une dévotion à Antoine passa pour le meilleur remède. Il vint des malades de tous côtés, ce que voyant, deux nobles de la Valloire, Gaston et son fils Girin, firent installer un vaste hôpital sous le nom de Maison de l’aumône, et, aidés de huit autres gentilshommes, soignèrent les malades. Cet exemple fut suivi. En Allemagne, en Italie, en Espagne, en Angleterre, partout où il y avait le mal, de semblables établissements furent fondés, et bientôt l’ordre des frères hospitaliers de Saint-Antoine avait Gaston pour grand maître. La maison mère resta toujours à la Motte-Saint-Didier, devenue Saint-Antoine en Viennois. »

Les fidèles croissaient en nombre et les richesses aussi. Une église monumentale fut édifiée, que le pape Calixte II vint consacrer en 1119.

« Mais il arriva que deux autorités se firent jour : celle des frères hospitaliers qui dirigeaient la Maison de l’aumône et celle des religieux bénédictins de Montmajour, qui avaient été chargés par les héritiers de Jocelyn de veiller à la garde de la châsse. Les Antonins prirent les armes et envahirent la partie des bâtiments occupés par les Bénédictins, qui s’enfuirent. »

La querelle se prolongea, traina devant les parlements, les conciles. Les uns et les autres montraient des reliques et tous voulaient que ces reliques fussent les vraies.

Finirent-ils par s’entendre ? On doit le croire. Ce qui est sûr, c’est que les Antonins restèrent maîtres de la place.

La célèbre abbaye jouit longtemps d’un grand prestige chez les Dauphins. « Toutes les puissances chrétiennes envoyèrent à son Supérieur des marques d’estime. Jacques, roi de Sicile, donna un buste en or, et les Galéas, ducs de Milan, des bustes d’argent de grandeur naturelle et un bras d’or enrichi d’émeraudes. »

On raconte que François 1er, dans le voyage qu’il accomplit en 1533, ordonna d’ouvrir le cercueil de l’ermite. Il trouva ses ossements bien conservés dans les lambeaux d’une tunique de palmier, avec une inscription sur une sorte de membrane, « attestant que c’était bien là le corps du vénérable vieillard ».

« L’ancienne Maison de l’aumône souffrit beaucoup des troubles religieux. Les huguenots la pillèrent ; le baron des Adrets fit égorger ses prêtres sur les degrés de l’autel. La fin des guerres permit enfin de relever les bâtiments détruits. Ils furent réunis à l’ordre de Malte ; des chanoinesses l’occupèrent jusqu’à la Révolution. En 1793, le couvent fut vendu. Seule l’église resta propriété de l’État. »

C’est une merveilleuse page gothique que cette église.

Elle s’élance d’un jet de prière,… semble ne tenir au sol que par de frêles attaches. Des nervures allongées comme des mains jointes soutiennent ses voûtes, qu’un double rang de tribunes autour de la nef fait paraitre plus détachées, plus aériennes, portées sur de minces piliers aux troncs lisses, qui s’effilent ainsi que des cierges pascals…