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le dauphiné.

les torrents chevauchent dans un tumulte de ravines ; les vallées aspirent l’air de flamme, découvrent leurs terres pour en mieux laisser mûrir la moisson — et les routes se coupent en croix blanches, et dans la fuite des rails, le soleil pique les cailloutis de la voie de pointes d’éclair…

Une nuit passée à Grenoble, par une pluie battante qui cingle les réverbères : la moitié de la ville plongée dans l’obscur, le tonnerre roulant ses gongs au-dessus du Casque de Néron. — Pas moyen de fermer l’œil.

Mais le lendemain, des nuages rassérénés, une atmosphère de soie enveloppant la plaine…

… Cette plaine soignée, cultivée comme un jardin et de fécondité débordante — que nous allons suivre jusqu’à Valence.

C’est Tullins que la route traverse, au bas de la colline de Parménie. Tullins n’a qu’une rue vraiment digne de ce nom et qu’une place. Les deux sont de propreté flamande, reluisantes d’hôtels et de cafés… Ah ! pardon, j’oubliais : Tullins a ses remparts, fameux remparts, avec portes à ogives aiguës du xiiie siècle et, plus haut, sur un tertre, de nouvelles murailles reliées par trois grosses tours.

Quelques-uns ont voulu voir dans ce vieux bourg une colonie romaine créée par un descendant de Cicéron : Marcus Tullius Cicero. Déjà ils avaient préparé de copieuses monographies, quand M. Antonin Macé est venu.

M. Antonin Macé n’aime pas les Romains. Il le fit bien voir en réduisant en miettes les preuves les plus décisives de leurs partisans.

Il ne reste donc rien du Tullius Cicero. Cependant nos premiers archéologues n’avaient pas tout à fait tort, et M. Antonin Macé n’avait pas tout à fait raison. Tullins a une origine latine.

Au iie siècle de notre ère, Tullins battait son plein. On a trouvé dans ses sous-sols des vases funéraires, des médailles — et même un camée représentant l’impératrice Faustine.

À moins que toutes ces choses vénérables n’aient été cachées là par quelque mystificateur, car et ici M. Antonin Macé pourrait bien avoir tout à fait raison — ce n’est vraiment qu’au vie siècle qu’on trouve des témoignages écrits.

À cette époque, Tullins appartenait aux comtes de Valentinois ; plus tard, il rentra dans l’évêché de Saint-Hugues, jusqu’au jour où Humbert II réunit la plus grande partie de ce fief à son domaine delphinal…

Mais j’ai parlé de Parménie tout à l’heure. J’y reviens.

Le sentier est court et facile qui mène à pleines futaies, sur gazons, au sommet d’un bloc de mollasse perdu dans l’épaisseur de la petite chaine ourlant la Bièvre.

Devant soi, la plaine étale la même abondance heureuse : noyers, mûriers et vignes — et, dans le fond, l’infini tourmenté des Belledonne et des Chartreuse.

Il y avait à Parménie un couvent de femmes dont l’histoire ajoute un