Page:Donnet - Le Dauphiné, 1900.djvu/304

Cette page a été validée par deux contributeurs.
288
le dauphiné.

 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Le Guil dessine des s et des z au milieu des pacages ; les prairies emmailloient les plateaux jusqu’aux premières fumées errantes des nues — et Ville-Vieille reste la seule note grise jetée en toute cette harmonie verte…

Bientôt Molines, après une forte grimpade, à 1,750 mètres. Et de Molines, le chemin en lacets, toujours à travers mélèzes, gagne Saint-Véran.

Des troupeaux de chèvres et de brebis, sur les pierres qui papelonnent le sol, deux gamins en loques, une vieille femme courbée sous le poids de sa biasse et de son goitre ; la profondeur des fûts rangés en perspective, ainsi que des piliers de cathédrale, et dans les lointains, au soleil finissant, la masse farouche des monts de neige qui se chargent de pourpres et de violets.

Saint-Véran.

Voilà le tableau qu’un Segantini devrait faire ! Et cela nous changerait des fabricants de petits Suisses pour familles Perrichon !

Oh ! ces paysages de pasticheurs el de confiseurs ! ces lacs d’un bleu exaspérant, bêta comme un œil d’Allemande ; ces glaciers lavés et bichonnés comme des salons de patinage, ces bergers, ces chiens et ces moutons en bois, ces arbres en fil de fer, ces roches en simili-coton… Qui nous en débarrassera ?

Je recommande un mois de séjour à Saint-Véran aux jeunes élèves de l’École des beaux-arts, fatigués de peindre à l’huile Thémistocle et Mucius Scævola.