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le dauphiné.

Ailefroide, nouveau contraste.

On ne saurait, d’après Whymper, rêver vallée d’un aspect aussi implacablement aride. On n’y voit qu’amas de pierres, tas de sable ou de boue. Les arbres y sont rares, et si haut perchés qu’ils deviennent presque invisibles. Nul être vivant. Les pentes, trop fortes pour le chamois, n’offrent pas d’abri suffisant aux marmottes, et l’aigle lui-même ne peut s’y maintenir.

Le lac de l’Échauda.

Après le Poët, à 1 kilomètre, à peine, de Ville-Vallouise ; après les Claux, plus de voitures. On grimpe à forts jarrets. Un bruit de cascades part de tous coins, des trainées d’eaux scintillent dans les massifs verts, les sapins élargissent leurs branches, cependant qu’à côté, d’énormes cônes de déjection s’étalent, presque répugnants, comme des ventres mis à nu…

Sentier étroit, plus étroit encore, il n’en reste rien qu’une langue de calcaire… quand tout à coup le lac de l’Échauda met une tache de ciel dans les roches…

C’est sur ce contrefort des Claux que se trouve la grotte au fond de laquelle les Vaudois s’étaient réfugiés.

Les Vaudois ! Au souvenir de ce qu’ils furent, au souvenir de leurs misères et de leur fin, une tristesse vous prend…

Ils étaient venus de Lyon, au cri de Pierre Valdo : « Mieux vaut obéir à Dieu qu’aux hommes ! » Et ce cri de l’Église apostolique primitive attire sur eux la persécution. Excommuniés par le concile de Vérone, en 1184, ils fuient, se répandent de tous côtés, en Provence, en Dauphiné, en Languedoc, en Aquitaine, en Guyenne, en Gascogne, jusqu’en Angleterre et en Italie. Les prosélytes se multiplient. Leurs doctrines sont l’oasis des pauvres, une halte dans cette sombre marche de nuit moyenâgeuse.