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le dauphiné.

cime avait sur moi la même influence étrange que celle que le Cervin exerçait sur ses premiers explorateurs. J’avoue que je n’eus pas le loisir, une fois en haut, de regarder l’horizon. La vue m’importait fort peu, je n’étais pas monté au sommet de la Meidje pour admirer un panorama. La Meidje
Le Villard-d’Arènes.
me paraissait être bonne à gravir pour elle-même et non pour admirer ce que l’on verrait de son point culminant. Elle restera toujours dans mon esprit comme la partie d’escalade la plus ardue et la plus dangereuse qu’il m’ait été donné d’accomplir. »

« Nous n’avons pas l’habitude de rabaisser ou d’amplifier les difficultés, déclarent à leur tour MM. Salvador de Quatrefages et Paul Guillemin, mais nous ne trouvons que le mot « terrible » pour qualifier cette montée. Pendant une suspension de deux jours, le moindre faux pas serait mortel. »

Un savant autrichien, le professeur Zsigmond, de l’Université de Vienne, le fit, ce faux pas. Ses camarades retrouvèrent, le lendemain, son cadavre, au pied des Étançons. Et pourtant celui-là était un routier de la montagne !

Et Thorrent, et Payerne, qui, quelques années plus tard, devaient périr de la même façon, étaient, eux aussi, des routiers de la montagne ! Aux regrets de ces morts, il semble que la dure Meidje veuille aujourd’hui prendre part. Le ciel a serré autour d’elle une écharpe noire de brume ; les pages blanches de ses neiges portent le deuil !

Il pleut. À travers les grosses gouttes qui se précipitent, l’énorme masse a des tons brouillés et livides…

Nous quittons la Grave dans un grouillis-grouillas de tapecus et de