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le dauphiné.



La Meidje.

Et pourtant, dans ce trou déshérité, j’ai fait un de mes meilleurs repas. Point de pain de seigle, mais de bonne miche bien blanche, une truite pêchée sous mes yeux, un chateaubriand, un poulet… Le tout servi par un Habit noir.

Après le dessert, je suis allé m’installer au bord de la route, sous une tonnelle. L’Habit noir m’a versé café très chaud ; j’ai allumé un cigare ; j’ai fait faire à ma chaise et à ma personne un demi-tour, de manière à me caler le coude sur la table et le verre dans la main droite. Et ainsi, dans cette position, je me trouvai face à face avec la Meidje.

Ce fut notre première entrevue sérieuse.

J’aurais désiré pousser plus ample connaissance, l’aller visiter de plus près ; mais comme il faut, à tout le moins, être millionnaire — luxe indispensable de guides et de porteurs — pour arriver jusqu’à elle, je suis resté. Vienne quelque prochaine fortune, et, sûr, j’y monterai !

Quoiqu’un promeneur philosophe m’ait souvent affirmé que c’était bêtise de chercher à escalader une montagne, car cette montagne paraissait bien plus belle, vue de la plaine. Ce en quoi mon promeneur philosophe se trouvait d’accord avec l’antiquité.

Il n’y a que la force de l’habitude, disait Cicéron, qui puisse nous faire trouver un agrément aux sommets.

« Pendant plusieurs siècles, des officiers romains, des chefs de