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le dauphiné.

qu’on ne connait réellement les Alpes que grâce aux punaises. Supprimez ces intéressants animaux — et tous nous passons la matinée, douillettement étendus, alors que le soleil se lève sur les hauteurs voisines.


Grandes-Rousses. – Le lac de la Farre.


Nous nous privons d’un des plus beaux spectacles que la nature puisse fournir.

Heureusement la punaise et sa diligente sœur, la puce, veillent :

Allons, fainéant, debout ! viennent-elles nous crier.

Et, dociles, on se lève à quatre heures du matin. Un peu grinchus, un peu maussades, mais bientôt apaisés.

À toi, Jean-Jacques, tu n’en as jamais vu de pareils dans tes montagnes suisses ! Que n’aurais-tu donné pour le décrire au jeune Émile !

Les montagnes d’Allemont se couvrent de vapeurs de flammes. « Le soleil monte, et tout d’un coup son rayon oblique peuple les profondeurs. Les nuages illuminés forment un essaim d’êtres aériens, délicats, tous d’une grâce délicieuse ; les plus lointains luisent faiblement, et toutes ces blancheurs, toutes ces splendeurs mouvantes sont un chœur angélique entre les noires parois des amphithéâtres. La plaine a disparu, on n’aperçoit que les montagnes et les nuages, les vieux monstres immobiles et sombres et les jeunes dieux, vaporeux, légers, qui volent et se fondent capricieusement les uns dans les autres, et prennent pour eux seuls toute la caresse du soleil. »