La Barre des Écrins
Vue du glacier du Chardon.
— Certes, je ne demanderais
pas mieux, ai-je essayé d’expliquer ;
mais, pardonnez-moi, je suis à
court d’épithètes. Voilà deux
cents pages que j’emploie à vous
dépeindre, en conscience, depuis
les volants qui ourlent votre robe
de rochers jusqu’aux ondulés de
neige qui vous coiffent, et maintenant
mon infériorité éclate, lamentable.
Delille lui-même, qui
passait orgueilleusement en revue
tous ses trophées descriptifs et
se vantait d’avoir fait douze chameaux, quatre chiens, trois chevaux, six
tigres, deux chats, un échiquier, un tric-trac, un billard, plusieurs hivers,
encore plus d’étés, une multitude de printemps, cinquante couchers de
soleil et un si grand nombre d’aurores qu’il lui était impossible de les
compter, Delille lui-même ne pourrait rien contre mon indigence. Je ne
sais plus que dire.
– Eh bien, mon garçon, m’a répondu la Montagne, quand on ne sait plus que dire, on se tait.
Excellent conseil dont j’entends profiter sur l’heure. Aussi bien il en est d’autres encore qui m’y invitent :