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le dauphiné.

Cette coutume se perd ; on n’offre plus d’omelette au soleil. Pourtant, je ne me suis pas aperçu que le soleil en ait gardé rancune. La chaleur, après la pluie, est saharienne. Entre ces remparts schisteux, la lumière tombe droite, zénithale.

On cuit, on est éreinté. Et les éboulis, et les mergers qui roulent sous

Vallée de la Pilatte.
les pieds, accentuent encore les fatigues de la marche. Éboulis partout, fleuves de pierres remontant jusqu’aux limites neigeuses.

Les roches dauphinoises, pour la plupart, se désagrègent avec la plus grande facilité. Dégels, intempéries, ondées, les réduisent en miettes, les criblent d’alvéoles et « quand on essaye de gravir les berges des couloirs, on enfonce dans les détritus comme dans la boue ».

Mais c’est peut-être moins encore à la constitution géologique de la montagne qu’à l’impéritie du montagnard, qu’il convient d’attribuer ces fréquentes avalasses. Nues aujourd’hui, les hautes pentes, autrefois, étaient recouvertes d’immenses forêts. On les a coupées, ces forêts, pour les remplacer par des ségalas et des pâturages. Grosse imprudence. L’eau des pluies, des neiges n’étant plus retenue sur les déclivités par les racines des arbres, « descend violemment dans les fonds en poussant devant elle tous les débris arrachés aux flancs rocheux ; la dent des chèvres et des brebis aide à déchausser les radicelles des plantes herbeuses et des broussailles. Peu à peu toute la mince couche de terre végétale est enlevée, la roche nue se montre, de profonds ravins se creusent dans les escarpements et sont parcourus en temps de pluie par des torrents furieux qui naguère n’existaient pas. L’eau, qui pénétrait lentement la terre et portait des sels fertilisants aux racines des arbres, ne sert maintenant qu’à dévaster le sol. Dès que les forêts sont abattues, on voit s’ouvrir sur la pente, de distance en distance, des couloirs d’érosion qui correspondent souvent à des ravins situés sur l’autre versant et finissent, dans un espace de temps relativement court, par découper la crête de la montagne en cimes distinctes, environnées uniformément par des talus de roches brisées ou des coulées de boue. En bas, la vallée