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le dauphiné.

s’était réfugié au dernier étage et, du haut des créneaux, défiait les chrétiens.

Les chrétiens relevèrent le défi ; oui, mais comment s’y prendre ? Ils avaient beau multiplier les moyens d’attaque, jeter les échelles, dresser

Saint-Christophe.
les balistes, le mécréant se riait de leurs menaces…

C’est alors que le paladin se souvint à propos qu’un nécromancien accompagnait son armée. Il le fit appeler sous sa tente et lui promit la moitié des trésors de l’émir, si l’émir tombait en son pouvoir. Le nécromancien, après quelques hésitations, consentit à se charger de ce siège difficile. Toute la nuit, il sacrifia des béliers noirs, poussa des soupirs, brûla des herbes vénéneuses, viola des sépultures : travail pénible qui réussit pleinement. Aux premières lueurs de l’aube, les esprits d’outre-tombe, empressés à sa voix, finissaient de construire un « magnifique pont couleur de feu tenant à la terre ferme et s’appuyant sur le sommet du donjon ».

Roland s’y engagea, suivi de ses guerriers. Les Sarrasins épouvantés se rendirent ; Abdul-Jeid seul voulut résister. Il jeta dans l’étang qui baignait la citadelle ses lingots d’or — et s’y jeta lui-même ensuite.

Mais cette fin précipitée ne faisait pas du tout l’affaire de notre nécromancien. S’il avait tant invoqué, tant sacrifié et tant gémi, ce n’était pas pour les seuls beaux yeux de Roland, c’était pour s’emparer de la fortune du défunt. Et cette fortune gisait maintenant au fond de l’eau !