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le dauphiné.

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Les éboulis dégringolent, vautrés sur les pentes ; des éclats granitiques, hauts de cent pieds, se dressent, points d’interrogation maintenus par on

Le tunnel du Freynet.
ne sait quel prodige d’équilibre instable. Et le couloir toujours s’allonge, tantôt fait de pierres nues comme un caveau de bastille, tantôt échevelé d’arbres verts cramponnés à tous les interstices.

Passé Rioupéroux et son usine ; passé Livet recroquevillée dans une étroite cluse : petites maisons aux toits de glui, si petites à cette distance, qu’elles semblent des ouvrages de castors.

Au sortir de Livet, la route borde le torrent à si faible distance qu’elle est parfois obligée de se creuser en encorbellements pour se soustraire au choc des flots.

Ami C…, préparez votre piolet, et toi, Pompée, ouvre l’œil : le paysage se plombe, l’horizon se rétrécit encore. Plus de cultures, rien que rochers épars, blanchâtres, étendus comme des squelettes sur une table d’anatomie.

« Ces rochers sont les débris d’un immense barrage formé par des éboulements de la grande Vaudaine. À la suite de fortes pluies, ces montagnes, situées sur chaque rive de la Romanche, avaient, par blocs, glissé dans la gorge et retenu les eaux. L’Oisans tout entier avait été transformé en un lac d’une grande profondeur, qui s’étendait du nord au sud sur près de 15 kilomètres de longueur, atteignant environ 2 kilomètres en largeur. Toutes les habitations furent noyées ; le lac reçut le nom de lac Saint-Laurent. Il s’empoissonna, la pêche fut attribuée aux religieuses de Prémol.

« Il semblait que cette immense nappe dût subsister éternellement, tant le barrage était puissant ; mais, le 14 décembre 1219, date restée