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le dauphiné.

l’hôtelier dauphinois, l’humanité payante se divise en deux catégories bien distinctes : les gens à piolet et puis les autres.

Aux premiers, les meilleures chambres, les « beefsteaks » les moins durs et le sourire de l’hôtesse.

Aux seconds, les galetas à vents coulis, les petits pois de conserves,

Rioupéroux.
les poissons du mois dernier et la note remise par l’hôtesse avec d’inattendus et insoupçonnés suppléments de bougies.

Pourquoi cette différence de traitement ? Vous allez tout de suite comprendre.

Le touriste-piolet est l’homme-réclame de la montagne, il en représente le côté héroïque, le côté panache ; le touriste-piolet est le client à ménager, qui tous les étés revient dans les mêmes Alpes, refait les mêmes ascensions, jusqu’au jour où il se cassera une jambe ou deux.

Le touriste sans piolet, au contraire, est un pauvre être ayant des filles à marier et des rhumatismes, deux états qui lui interdisent, et par raison d’économie, et par raison de santé, les longs séjours et les hautes grimpades. Il est arrivé la veille avec un billet circulaire, pour s’en retourner le lendemain. On ne le reverra plus.

Vous expliquez-vous maintenant le mépris dont il est entouré ? Croyez moi, n’affrontez pas ce mépris. Ménagez-vous des sympathies dans le monde des aubergistes. Armez-vous d’un piolet. Je n’irai pas jusqu’à conseiller de joindre audit piolet l’équipement intégral des climbers du Mountain-club de Londres, soit : cordes en chanvre de Manille, crampons