Page:Donnet - Le Dauphiné, 1900.djvu/222

Cette page a été validée par deux contributeurs.
206
le dauphiné.

par la police pour quelque dangereux malfaiteur. Regagnons l’hôtel. Mes fenêtres donnent sur une vaste terrasse commandant la plaine.

La plaine aux contours noyés d’ombres violettes, que la lune, se détachant en globe d’or, au milieu du ciel, poudre de blancheurs perlées. La Durance fuit très blanche aussi, entre ses digues blanches… Au delà, sur sa rive gauche, la chaîne prolongée des Alpes dessine de monstrueuses choses qui s’entassent et ne s’arrêtent qu’à la ligne de feu des étoiles.

Et, tout près de nous, les anfractuosités des roches sur lesquelles a poussé Embrun. Des jardins, des villas en corniches, des carrés de vignes phosphorescents, des toits et des murailles qui émergent d’une buée de cendre, le clocher de la cathédrale et le donjon du roi Gontran, dressés ainsi que des calvaires. Paysage frigide, marmoréen, fresque de Puvis. Un bruit s’élève confus de la Durance « roulant ses peines et ses pierres » ; un coq chante les premières heures…

Et le bruit de la Durance, et le chant du coq, et le glou-glou monotone des fontaines tombant dans leurs vasques de fer, c’est tout le présent d’Embrun.

La vieille métropole, chargée de siècles et de gloires, lasse de son passé, attend la fin comme ces héros d’Eschyle qui, jugeant leur œuvre accomplie, s’enveloppaient de leur armure et regardaient venir la mort.

À Gap. – La statue du préfet Ladoucette.