et la parfument. De ce qui l’entoure, elle n’a conscience de rien. Sa vie se
passe dans une divine ébriété, et quand elle meurt à soixante-dix ans, c’est à peine si elle se souvient d’avoir
vécu.
Embrun. La cathédrale.
… Tout de même, un peu trop toujours
pareille cette plaine, semée de
fagnes, barbelée de roches pointues,
avec la Durance qui s’embarrasse dans
ses gravats…
En passant, nous vous présenterons, avec M. Ad. Joanne, un stock de villages : Chorges, l’ancienne capitale des Caturiges, Chorges à qui Néron accorda le droit de latinité. — Bien déchue, Chorges la latine !
Prunières, à l’entrée des Basses Alpes ; Savines, dont on ne dirait que le nom, s’il n’avait pour le grandir la cime hardie du Grand Morgon…
Et encore la vallée s’élargissant ; encore des sapins qui montent, des torrents qui descendent ; encore des villages et des châteaux, des champs et des prairies de velours verts laqués.
Embrun sur une motte rocheuse, à pic du côté de la Durance. Dans l’air sec qui brûle et poudroie, son clocher et sa tour massive s’enlèvent en reliefs aux lignes bleues.
Étroite, grise, l’air rogue, puritain, ville sainte et ville forte autrefois, et maintenant à peine une ville : un gros bourg pavé, suivant la mode alpine, de roman tique façon. Mais dans ces ruelles tirebouchonnées, le moyen âge est là qui vous guette au pied de chaque mur. À chaque détour, il semble qu’on va voir surgir la silhouette arrondie d’un moine ragot ou celle plus aiguisée de quelque procureur monté sur son roussin. On dirait d’un chapitre des Grandes Chroniques illustré par Pils.
Maisons à étages en encorbellements, tourelles, pignons, gargouilles, portes basses couronnées de têtes de licornes, de chèvres ou de lions, restes d’anciennes communautés religieuses, fontaines d’albâtre frappées