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le dauphiné.

on y remarque une cheminée monumentale et surtout des fenêtres à croisillons d’un goût très pur.

« L’habitation, vaste corps de bâtiment, était élevée de quatre étages. Sur l’entrée principale s’ouvrait un corridor conduisant à la salle d’honneur ornée de peintures. Un large escalier, dont il ne reste que quelques vestiges, desservait les appartements supérieurs.

« Les archives de Tallard, écrit M. Taillas, avaient été conservées avec soin jusqu’à la Révolution. Un inventaire des titres et documents de tout genre possédés par la maison avait été dressé par un religieux du nom de Ripert. 1793 livra aux flammes les anciens terriers et les registres des censes féodales. Le reste des papiers communaux échappa à l’autodafé, mais on les jeta pêle-mêle dans un lieu ouvert au public où, pendant de longues années, chacun alla s’approvisionner. On a retrouvé cependant des comptes consulaires, de nombreux registres de délibération — et leur lecture excite un vif intérêt. On se reporte à plusieurs siècles en arrière, au milieu d’une petite République s’administrant avec une complète indépendance, ne subissant nul contrôle dans la gestion de ses finances, tenant ses conseils et ses comices dans lesquels chaque père de famille avait le double droit de vote et d’éligibilité. On peut y suivre les péripéties de la guerre soutenue contre les huguenots au xvie siècle… À une époque antérieure, apparaît la trace de la charte de privilèges concédée par la famille d’Orange à la communauté, et l’on est frappé du zèle avec lequel les magistrats municipaux ont surveillé le respect de leurs privilèges et la vigueur avec laquelle ils ont su les défendre, sans jamais se départir des formes de droit, contre les maisons qui ont successivement possédé le fief. »

L’organisation de Tallard était simple et pourrait servir de modèle à ceux qui perdent leur temps à la recherche du meilleur système gouvernemental :

D’abord deux consuls ne devant compte de leurs actes qu’à leurs concitoyens, le secrétaire, les communaux chargés de prononcer sur les difficultés relatives aux limites, enfin les péréquateurs des tailles, les peseurs publics et les gardes.

Les consuls convoquaient le conseil général toutes les fois qu’une question grave surgissait. Le sergent de la cité annonçait par rues et par carrefours la date de réunion, et au jour dit, la réunion se tenait dans une ancienne chapelle consacrée à saint Grégoire. C’était pour tous les chefs de famille une obligation d’y assister.

Près de Tallard, à la Bâtie-Neuve-le-Laus, dans une vaste plaine schisteuse balayée par les vents, Benoîte Rencurel, la bergère, vit, un soir, la Vierge Marie.

L’archevêque d’Embrun éleva, en 1667, une église sur le lieu même de l’apparition. Des pèlerinages s’organisèrent ; Benoite fit des miracles. Une jeune fille, fort grièvement malade, allait mourir. La bienheureuse intercéda