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le dauphiné.

Le lendemain, en effet, il y avait des violons. Seulement, ce n’étaient pas sans doute sur ceux-là que comptaient ces dames. La trêve expirant cette nuit même, notre futur connétable avait remplacé ses rubebbes par de solides coulevrines qui faisaient plus de bruit que de jolie musique… On dansa mal ce jour-là dans le clan papiste.

Enfin le roi de Navarre devint Henri IV. Les adversaires de la veille trouvèrent un terrain d’entente en signant tous ensemble la charte. Et depuis ils vécurent en bons voisins.

Ici finit l’histoire des tribulations de Gap.

Cependant, pour des siècles encore, Gap devait garder comme une sorte de méfiance à l’adresse de ses suzerains, une sorte de susceptibilité quasi maladive, la susceptibilité de ceux qui ont souffert et se souviennent trop de leurs souffrances.

En 1740, les magistrats municipaux, autorisés par le Parlement, rendaient un arrêt leur accordant « le droit d’entrée dans le chœur de la cathédrale, par la grande porte, pourvu que la messe ne fût pas commencée, et de n’en sortir qu’après l’évêque ».

Peu de temps après, le consul François Barbier prenait au collet Mgr de Caritat et le forçait à accompagner les corps constitués jusqu’au seuil de son évêché, selon les us et coutumes.

« Le caractère des Gapençais, a dit le baron Ladoucette, est de rester libre sous toutes les autorités et de ne se passionner pour aucune gloire. » Nouvel exemple :

En 1808, n’est-ce pas aussi un maire de Gap qui refuse, au bas de ses lettres, du respect à son préfet ? Tout au plus consent-il à lui offrir de la considération. Cette grande querelle est portée devant le ministre, qui ordonne le rétablissement de l’ancienne formule : respect et considération.

Vexė, M. le maire démissionne et son conseil municipal démissionne avec lui.

Quand je vous le disais que nous étions intraitables ! Mais nous avons changé. Si vous saviez quelles bonnes gens pacifiques nous sommes aujourd’hui ! Combien ce passé est passé, loin de nous !

Nous avons aujourd’hui ce calme que donnent nos rues étroites, courtaudes, pavées de cailloux en forme d’œufs d’autruche. Nous avons des étables, dans ces rues, des monticules de tessons de bouteilles et de trognons de choux, des rigoles jaunes de purin et d’eau de vaisselle ; nous avons des traîneaux, seul genre de voiture pouvant affronter la mauvaise humeur des chaussées ; et nous avons le tambour de ville, tous les après midi.

Rrran, rrran… deux roulements :

« On vous fait assavoir que dimanche prochain, dans la salle de la mairie, aura lieu… »

Rrran, rrran… deux autres roulements.