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le dauphiné.

d’âmes. Le troupeau se plaignait. Le primat des Gaules convoqua un synode : les deux frères furent condamnés à la réclusion, jusqu’à la mort, dans l’abbaye de Saint-Marcel.

Un saint : Arigius — saint Arey — leur succéda. C’était dans l’ordre.

Belle figure, à moitié voilée par la légende, mais ce qui s’en dégage de vérité laisse comprendre l’homme : une volonté, une force. Tout jeune encore, il assiste au concile de Macon, y défend Didier, évêque de Vienne, poursuivi par Brunehaut. Celle-ci, furieuse, lui fait fermer les portes de son église. Défense vaine : les portes s’ouvrent subitement, poussées par la force divine.

« Le doux prélat, raconte Raymond Juvénis, se dérobait souvent la nuit pour aller prier dans la chapelle de Saint-Mammert, martyr. Un jour, sur le chemin, près d’une fontaine — celle des Asses — les anges qui le guidaient lui firent voir une troupe de démons s’entretenant des maux qu’ils avaient inspirés. L’un, entre autres, se vantait d’avoir fait tomber un pontife dans le péché d’incontinence. Ce pontife devait célébrer prochainement la messe et consacrer les saintes huiles.

« Arey commanda aux démons de le porter à Rome. Il se présenta avant la cérémonie, vit le pontife. Et le pontife s’humilia, reçut l’absolution, ce qui lui permit d’officier sans crainte de péché. »

Invasion des Sarrasins qui, repoussés par Charles Martel, cherchent un asile dans les Alpes et s’y maintiennent deux siècles, à Gap, à Embrun, à la Valpute (Vallouise). Tyrannie, misère : la famine décime les villages. Enfin on chasse l’Infidèle. Le peuple sera-t-il plus heureux ? Non. Il a changé de maître, voilà tout.

Ce sont maintenant les évêques et les seigneurs. Les évêques prennent, les seigneurs prennent : … des monastères, des fiefs s’installent, achetant le sol à vil prix.

La situation est intenable. Citadins et paysans protestent, adressent prière sur prière. Effets nuls. Il faut d’autres moyens ; il faut se battre.

Le 4 mai 1281, les bourgeois cernent le palais épiscopal, s’emparent de tous les grands dignitaires et les emprisonnent. Mais bientôt ils ont peur de cet acte de force et relâchent leurs otages.

Faute grave, qu’ils ne tarderont point à payer cher.

Appelé par courriers forcés, le comte de Provence marche à la tête de 5,000 hommes et s’empare de la place, après un siège de quelques jours.

Et la vie devient de plus en plus difficile aux pauvres Gapençais — et cette vie bigarrée de cachots et d’exécutions capitales pour les récalcitrants, de séquestres de biens pour les simples suspects, dura jusqu’au 7 mai 1378. — Cent ans !

À cette date intervint un traité de paix entre Mgr Jacques Artaud et les consuls. L’un des articles de ce traité portait que les habitants « ne seroient tenus de donner asile à l’évêque qu’il n’eût approuvé, ratifié