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le dauphiné.

ciset, unis aux professions de foi solennelles du marquis de Beffroy de la Grange, baron d’Ecquencourt, puissant seigneur qui fut gouverneur de Bourgoin, s’il vous plaît :

Gouvernement solide et beau,
Qui présente pour toute garde
Un suisse avec sa hallebarde
Peint sur la porte du château.

La « ferme » de Montquin se tient à peu près debout. Elle a même encore belles apparences de vie avec ses baies croisillonnées et son lourd portail plein cintre.

C’est au premier étage qu’il habitait : deux pièces à fenêtres disjointes.

Au-dessus de la cheminée, certaine horreur cinabre et jaune ocre, amalgame monstrueux à faire hurler un loup, et représentant le Sacrifice d’Abraham, un vieillard au nez crochu qui lève le bras sur son fils, de ce même geste qu’emploie Chopard l’aimable pour dévaliser le bourgeois.

Dans un angle, le vieux fauteuil qu’on dit avoir longtemps assuré son sommeil. Sacrés restes que les vers ne respectèrent point. Que si encore on se souvenait de l’hôte illustre ! Hélas ! pas plus de lui que de Nabuchodonosor ou d’Ashourbanipal !

Il y a quelques années, M. Fochier, l’historien de Bourgoin, voulut interroger, là-dessus, une paysanne qui faisait sécher des haricots dans la chambre à coucher de l’auteur du Contrat social.

Celle-ci branla du chef négativement. Rousseau ! Rousseau ! personne ne le connaissait dans la maison…

— Mais, au moins, insista son interlocuteur, n’auriez-vous pas quelque objet, indice de sa venue, un portrait par exemple ?

La brave femme réfléchit un instant, puis soudain : « Un portrait, vous parlez d’un portrait ! Attendez donc : c’est peut-être bien ça, votre Rousseau ! » Ce disant, elle revint tenant un chenet rouillé, orné de têtes de chimères épouvantablement grimaçantes.

Ça Jean-Jacques !

Et le digne M. Fochier d’ajouter, mélancolique : « Ô génie, ô gloire, à quoi n’êtes-vous pas exposés ! »

De Montquin à Meyrié, à travers champs, à travers prés. Un pont sur l’Agny, affluent de la Bourbre ; et bientôt la Bourbre elle-même, dominée par Serezin-la-Tour. Il n’y a rien à Serezin-la-Tour, qu’un hameau sous les noyers et dans les vignes… Il n’y a rien qu’une histoire très triste et très touchante :

Il était une fois un jeune homme qui aimait une reine. Ce jeune homme s’appelait Piraud, comte de Chatelard, seigneur de Serezin-la-Tour ; cette reine s’appelait Marie Stuart.

Quand vous n’avez pour titres de noblesse qu’un comté de franc-fief ; quand vous n’avez pour biens immobiliers qu’un castel représentant