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le dauphiné.

À Lourdes, le matérialisme dans la foi, la préoccupation unique du prolongement de la vie. On va chez Charcot d’abord, et quand Charcot reste impuissant, on va chez la Vierge.

À la Salette, plus rapprochée du ciel par ses cimes, il semble qu’il faille des essors d’âmes plus hauts. Et les âmes des foules quand elles peuvent l’atteindre — pour être moins nombreuses, y sont d’un grain plus précieux, plus naïves, plus ferventes en leurs contemplations, et plus désintéressées aussi, plus confiantes dans l’impérissable bonté de celle qu’elles invoquent…

… Sur les chemins montants, les processions se déploient. Des femmes et des hommes chantent à longs cantiques – et leurs voix restent grêles dans cet incommensurable… à peine un murmure qui roule sur les pentes gazonnées, comme une pluie…

Tous se sont agenouillés devant les calvaires marquant le passage divin ; ils ont prié longuement à l’église, au pied des marches de l’autel ; ils ont bu un verre d’eau à la fontaine miraculeuse, la fontaine qui ne s’épuise jamais, depuis que la Bonne Dame « la remplit de ses pleurs ».

Et maintenant, apaisés, résignés, ils vont partir, céder la place à d’autres…

La vie reprendra pour eux, comme pour les autres, monotone, décevante ; ils lutteront, ils peineront comme les autres !

Qu’importe, si le souvenir de cette journée passée avec Elle les endort dans un rêve de consolation et d’oubli !

Qu’importe le mensonge si mensonge il y a ! Qu’importe le mensonge, si ce mensonge aide à vivre, assure la promesse d’un paradis sans fin !…

La vérité est trop dure à entendre. Elle éclaire le mal d’une lumière trop vive et ne fait que l’éclairer : jamais ne le guérit, jamais ne le guérira…

« Vive le mensonge pour que personne ne souffre plus ! »

La Salette. — Une procession.