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le dauphiné.

Corps.

Les amoureux seuls peuvent séjourner ici. Laffrey me paraît le but indiqué de tout voyage de noces.

Si vous n’êtes point amoureux, revenez sur vos pas, à la Mure — et là, prenez place dans la patache qui vous conduira au pied de l’Obiou.

D’abord un long ruban monotone : collines arrondies, champs cultivés, des arbres grêles, droits comme des mâts, gardant les bords des fossés… Une heure ainsi. Soudain le sol se tasse, avale ses collines — et les chaînes du Devoluy montent en s’étirant les unes derrière les autres, à perte de vue.

Ce sont des dykes rugueux, noirâtres, des tours carrées, des dents aiguës que le soleil barbouille de taches livides ; ce sont des cimes chauves balayées de nuées grises — et, au premier plan, les mornes du Valbonnais, sablonneuses, lézardées et fendillées du haut en bas.

Toutes ces crêtes aux montants « rauques » qui vous entourent se resserrent encore, barrent l’horizon, ne laissent voir qu’un peu de la coupole du ciel, tout en haut.

Et la voiture dévalant la route accrochée aux anfractuosités semble, au milieu de ces entassements pharaoniens, un hanneton qui se débat prisonnier dans une cuve.

On descendait, il faut remonter maintenant. C’est la montée de Beaumont. Et ce contraste est un charme. On a devant soi la plaine féconde du Valbonnais et les basses terres du Vernays, arrosées par la Bonne. Les collines sont revenues, nombreuses, habillées de vignes et de maïs.

Voici le Drac, notre vieille connaissance. Mais quel Drac, Seigneur ! Combien différent de celui de Vizille ! Un jeune premier timide, plein de