Page:Donnet - Le Dauphiné, 1900.djvu/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.
164
le dauphiné.

sans un arbre ; par endroits, elles paraissaient fendues à coups de hache dans d’immenses amas de bois pétrifié ; par d’autres, coupées dans des blocs exfoliés d’ardoise.

Et tout autour un cirque s’ouvrait de montagnes sans fin, couvrant le ciel, se superposant les unes sur les autres, barrant le passage des nuées, arrêtant la marche en avant du ciel…



Ligne de la Mure. — Passage de la Clapisse.
Le paysage était sinistre ; l’on éprouvait un extraordinaire malaise à le contempler, peut-être parce qu’il déroutait cette idée de l’infini qui est en nous. Le firmament n’était plus qu’un accessoire relégué, tel qu’un rebut, sur le sommet délaissé des monts, et l’abîme devenait tout. Il diminuait, il rapetissait le ciel, substituant aux splendeurs des espaces éternels la splendeur de ses gouffres.

C’est en ces termes que Durtal, le Durtal de Huysmans, décrit magnifiquement l’effroi du site qu’il traversa entre Saint-Georges-de-Commiers et la Mure, « son effarement en wagon lorsque le train passait lentement au-dessus des gouffres »…

Des torrents croulant dans les pierres, des coulées granitiques encore baveuses, à pic sur le Drac, resserré, réduit en rien… Et soudain, la négation même de toutes ces terreurs : l’épanouissement de la vallée de la Motte, une vallée verte de végétation jamais lasse, d’une fraicheur que ne diminuent point les plus forts étés. Une vallée coupée de cultures et de prairies, de sapins et de noyeraies — avec, plantés net en son milieu, son