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le dauphiné.

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J’arrivais à la péroraison, quand un de mes auditeurs crut très fort m’embarrasser en me posant cette question insidieuse :

— Et le gratin, le plat national du Dauphiné, a-t-il besoin, lui aussi, de sa patrie ? Et quand il s’en éloigne, en meurt-il, lui aussi — pauvre exilé ! comme sa sœur la pogne ?…

L’adversaire était résolu. Je compris que je n’aurais raison de son obstination que par une réplique vigoureuse.

Vif.

Tout d’abord, j’entrai dans des détails touchant la synthèse même du gratin. Mon honorable contradicteur n’avait là-dessus que de vagues connaissances. Il venait d’affirmer que le gratin était une création de second ordre, puisqu’il ne vivait, en somme, qu’en parasite, aux dépens de l’épaule de mouton ou du gigot qu’on mettait cuire avec lui.

Je relevai cette faute grossière. Par de nombreux exemples, j’établis que le gratin vivait de sa vie propre, que, même privé de l’épaule de mouton ou du gigot, il n’en constituait pas moins, pourvu qu’il fut convenablement rissolé, un régal de haut mérite.

Régal que les poètes ne dédaignèrent pas de célébrer ! Écoutez ce sonnet sans défauts de Maurice Champavier :

Un gratin cuit à point est le régal suprême,
En pays dauphinois c’est un plat vénéré,
L’aliment familial si souvent savouré,
Mets d’été, mets d’hiver et même de carême !