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le dauphiné.

nos derniers neveux que là-bas, loin du faste et de l’orgueil, l’esprit calme du connétable ne chercha d’autre récompense que celle de la vertu. »

Lesdiguières loin du faste et de l’orgueil ! Lesdiguières ne cherchant d’autre récompense que celle de la vertu !

Quel Lesdiguières est-ce là ? Un Lesdiguières à l’eau de rose…

La vertu ? Serait-elle jamais arrivée à changer un petit gentilhomme de Champsaur en maréchal de France ? Bayard, qui était vertueux, est mort simple chevalier.

Inférieur à Bayard au point de vue moral, « Lesdiguières, on doit le reconnaître, a un bien autre mérite comme soldat et comme capitaine. Des qualités militaires, il a surtout celles qui tiennent d’une infatigable volonté, d’une prudence que rien ne met en défaut, d’un esprit de ruse que rien n’égare, d’une variété d’expédients qui suffit à tout.

« Jusqu’à la fin de sa vie il montrera sa prodigieuse activité. Connaissant à fond la région des Alpes, s’entourant, par surcroît de précautions, de guides expérimentés, il brave l’hiver, jette ses soldats par des cols jusqu’alors infranchissables, marche parfois avec de la neige jusqu’au ventre, tombe sur l’ennemi déconcerté, ne se laisse jamais surprendre. À la veille d’une campagne, il prépare soigneusement son expédition, étudie le pays où il doit manœuvrer, les obstacles qu’il peut présenter, les ressources qu’il peut fournir. La guerre qu’il livre est une guerre de surprises, d’embuscades et de coups de main, une guerre où le courage supplée au nombre, où la ruse vient en aide au courage. Et ce ne sont pas seulement la ruse et l’adresse qui le font triompher ; c’est aussi, c’est surtout l’audace. Le rocher de Cavour semble défier le canon : Lesdiguières hisse ses coulevrines, à l’aide de poulies, sur une montagne qui semble inaccessible et oblige l’ennemi terrifié à se rendre. »

À Montmélian, à Conflans, il excite l’admiration de Bassompierre en installant son artillerie sur des hauteurs que personne n’avait songé à occuper. Ses arquebusiers franchissent l’Isère avec des fantassins en croupe, pour surprendre l’ennemi, quittent leurs chevaux pour enfourcher des mulets quand il s’agit de traverser les neiges des Alpes, ne se laissent arrêter par aucun obstacle. En résumé, rapidité foudroyante, hardiesse inouïe, connaissance approfondie des territoires à conquérir et des adversaires à combattre, persévérance obstinée à poursuivre une victoire entrevue et adresse merveilleuse à éviter une défaite possible, habitude constante de tout prévoir et de tout préparer, prudence méticuleuse, mais qui n’exclut ni l’audace ni la ténacité, tels sont, écrit M. Dufayard, les éléments principaux de ce merveilleux talent militaire qui fait de François de Bonne l’un de ceux dont l’originalité est la mieux marquée dans l’histoire des guerres de la montagne.


Mon père Cottavoz est venu me voir ce matin — et de l’air important d’un homme qui aurait à vous annoncer un changement dans la Constitution :