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le dauphiné.

der une grâce au bienheureux. Ils assistaient à la messe, communiaient, puis se retiraient, laissant, en témoignage de gratitude, leurs margotins et quelquefois un sou ou deux. Comme il est prouvé qu’en Paradis les élus n’ont besoin de rien, pas plus de margotins que de sous, — le curé de la paroisse frustrait sans remords Saint-Sauveur de sa prébende. Toute cette provision de bois était soigneusement recueillie par sa servante, qui en chauffait son pot-au-feu durant l’hiver.

Mais revenons sur nos pas. Nous sommes à Vizille : une longue rue étroite, de hautes maisons sombres. Des usines lèvent leurs faces noires aux bords de la Romanche, assouplie par de puissants barrages.

Métiers à tisser de fabrication lyonnaise, filatures, forges et laminoirs, papeteries et scieries occupent deux mille cinq cents ouvriers, près de la moitié de la population totale.

Et le développement industriel de la ville est loin d’avoir toute son intensité. Il faut compter aussi avec ses foires et ses marchés. Sa position à la sortie des massifs de l’Oisans et de la Mateysine favorise la vente des grains et des aumailles.

Et puis Vizille a son château, le fameux, celui de Lesdiguières !

« Elle a aussi des ruines précieuses, ajoute M. Dumazet. Pendant longtemps, sur le rocher qui domine Vaulnaveys, se dressa un palais féodal, construit par les évêques de Grenoble. Ce palais devint plus tard la résidence d’été des dauphins du Viennois, puis propriété particulière des dauphins de France. Il couvrait un piton isolé, encore garni de tours et de remparts, mais les ruines disparaissent sous un épais manteau d’arbres et de lierre. Une seule partie reste maintenant visible, c’est un réservoir d’eau, transformé aujourd’hui en bassin de verdure.

« Le château delphinal était déjà une ruine, lorsque Lesdiguières, devenu, à la suite des guerres civiles et des luttes contre le duc de Savoie, le véritable roi du Dauphiné, voulut construire une demeure en rapport avec la haute situation qu’il s’était acquise.

« En 1593, alors que son maitre Henri IV devenait roi incontesté, il échangea une partie de ses terres contre le marquisat de Vizille qui comprenait cinquante-trois paroisses de l’Oisans, de la Mateysine et des environs de la ville jusqu’à Vif. La construction fut longue. En 1620 seulement le château fut achevé. Pour l’époque ce fut une merveille, aucun grand seigneur n’avait encore fait édifier une aussi vaste et somptueuse demeure.

« Une grande partie de la vallée, quatre-vingts hectares environ, était close de murs et formait un parc vraiment royal.

« Pour accomplir une telle œuvre, la fortune la plus énorme n’aurait pu suffire si Lesdiguières n’avait imaginé de commander de corvée tous les habitants de son marquisat. Le jour où les ouvriers d’une paroisse étaient requis, on en faisait l’annonce devant l’église et le héraut terminait par ces simples mots qui décidaient les plus récalcitrants : « Viendrez ou