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le dauphiné.

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En route pour le Villard-de-Lans. Les chevaux suent et soufflent. Le chemin se fait étroit, collé au flanc de la montagne. On s’élève au milieu des blocs éboulés, vacillants, tragiques, noirs au soleil…

La vaste plaine qui se couche à nos pieds apparaît plus vaste encore. Belledonne et la Chartreuse unissent leurs chaînes pour l’enserrer — et

La
Tour-sans-Venin.
là-bas, dans son creux, Grenoble a les nettetés d’ombre et de lumière des villes d’Orient.

On s’élève en des lacets sans fin, au pas de l’attelage, entre les conglomérats cabossés, tailladés, éclaboussés de vert par les eaux qui suintent des fissures calfatées de mousses.

El soudain, un grand vide s’ouvre au bord de la route. Le Furon roule dans ce vide ; on n’entend que le bruit de ses eaux précipitées. Hou ! hou !… le bruit gagne, s’élargit sous les arbres, comme une nappe — pour diminuer à mesure que l’on se rapproche des crètes et pour finir en un chuchotement vague, insaisissable, alors que le Furon, de chute en chute, est si bas descendu, qu’on ne voit rien de lui qu’une frange d’écume blanche.

Le défilé se resserre. On double le fameux Pas-du-Curé, conduisant à Saint-Nizier, et le hameau des Jaux où le torrent assagi paresse dans les prés.

Une explosion de roches, d’où partent en gerbes le Moucherolle et les Trois-Pucelles, toujours méritant leur nom de cimes inviolées !… Nous sommes aux portes des gorges d’Engins, ces portes que Mélusine fermait