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Or le soir du même jour, trompé dans son attente sans doute cruelle, car on ne doit jamais désirer se venger même avec une fleur d’une femme qu’on a beaucoup aimée, le vieux poète Michès monte sur une des collines qui dominent la ville. Déjà le crépuscule aux doigts d’hyacinthe a fermé les portes de l’Occident, cependant qu’à l’Orient se lève la lune claire.

Et le vieux poète Michès, pour se consoler, et peut-être aussi pour s’endormir, accorde sa lyre et dit des vers :


— Soleil, dans le baiser de ta dernière flamme
Voici que s’est éteint le doux chant des oiseaux !
Je vais me recoucher sur mon lit de roseaux.
… Ce plaidoyer, en somme, est la forte réclame
Pour la blonde Phryné — Les juges excités
Ne se seront pas un seul instant embêtés,
Et mieux que du discours éloquent et très beau,
Ils ont été charmés de ce petit morceau.
À tout considérer, il serait désirable
Que dans les avenirs cet exemple admirable
Fût en tous points suivi par d’autres avocats.
Ça ne manquerait pas d’allure, en certains cas.
Et l’humaine justice amoureuse des formes
Son compte y trouverait. — Des citoyens énormes
De bon sens auraient tout à l’heure prétendu
Que les vieux dieux s’en vont et que tout est perdu
Parce qu’on n’a pas condamné la courtisane…