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J’ai mis à t’éclairer de grandes complaisances ;
Tu ne peux arguer de vagues connaissances.
Tu t’es documenté ; devant le tribunal
Ton plaidoyer, mon cher, ne peut être banal ;
Donc, pour troubler l’esprit de nos juges, n’invoque
Pas devant ces vieillards l’argument équivoque
De la suggestion, de la fatalité :
L’École de Milet, d’ailleurs, l’a réfuté.
Ne parle pas non plus de la douleur amère
De mon malheureux père et de ma vieille mère,
Et pour une raison excellente : ils sont morts.
Ne parle pas surtout de mes cuisants remords,
Car je n’en ai pas… Et si ma cause est perdue,
Tant pis, — Phryné ne doit pas être défendue
Bêtement, comme la marchande de poisson
Qui verse à son amant quelconque du poison —


        Mais Hyppéride lui répond :


Ô Phryné, ne crains rien. — Autrefois dans Athènes,
Pour être un orateur éloquent, Démosthènæ
Se promenait au bord de la mer en courroux,
Et là, parmi les vents, en suçant des cailloux,
Jetait aux flots hurleurs une longue harangue.
Or, toi, tu m’as donné pour défier ma langue
Mieux que de vils cailloux, les pointes de tes seins,
Cailloux roses, cailloux fleuris, où par essaims
Seposent les baisers des lèvres butineuses.
Et durant cette nuit, mes caresses glaneuses