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Sous son pied dédaigneux j’ai courbé mon front blême,
Et j’ai cru que j’allais en perdre la raison.
Je couchais en travers du seuil de sa maison ;
Quand je l’apercevais ma peau devenait moite ;
Rien qu’à baiser les plis de sa tunique droite,
Pâle je me sentais près de m’évanouir,
Et l’ingrate passait sans me voir, ni m’ouïr !
— Mais aujourd’hui, Phryné doit être enfin punie
Pour mes jours de soufrance et mes nuits d’insomnie,
Et coupable d’avoir, d’un langage odieux,
Raillé la majesté susceptible des dieux,
Devant le tribunal sacré des Héliastes
Elle va comparaître, et par ces hommes chastes
Se verra condamnée à l’exil ou la mort.

Cependant qu’il parle le décor s’éclaire graduellement :
l’Aurore aux doigts de rose vient d’entr’ouvrir les portes de l’Orient.

— Mais déjà le soleil sur la ville qui dort
Se lève lentement, et ses rayons obliques
Glissent des temples blancs sur les places publiques.
Salut à toi Soleil ! ce jour me doit venger !
— Et maintenant, Phryné, je vais te voir juger.


Or, ceci se passait vers l’an 300 avant Jésus-Christ afin que, vingt et un siècles plus tard, le tableau de Monsieur Gerôme fût accompli.

Mais revenons de quelques pas en arrière.