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retenus, que par une adhérence latérale ; & de remplir les cavités intérieures . Il ſ’enſuivit, que dans preſque toute la longueur de la chaine, les terreins, qui étoient appuyés contre le granit de la baſe des monts Caulone, Eſope, sagra & Aspramonte, gliſſerent ſur ce noyeau ſolide, dont la pente eſt rapide, & deſcendirent un peu plus bas. Il s’établit alors une fente de pluſieurs pieds de large, ſur une longueur de 9. a 10. milles, entre le ſolide & le terrein ſabloneux ; & cette fente regne, preſque ſans diſcontinuité, depuis ſaint George, en ſuivant le contours des baſes, juſque derrière ſainte Cristine. Pluſieurs terreins, en coulant ainſi, ont été portés aſſez loin de leur première poſition, & ſont venus en recouvrir d’autres, aſſez exactement pour les faire diſparoitre35.1. Des champs entiers ſe ſont abaiſſés conſidérablement, au deſſous de leur premier niveau, ſans que ceux qui les en-

viron-



35.1. Les accidens de ce genre ont donné lieu a des queſtions ſingulieres ; il a falu decider a qui appartenoient les terreins, qui en avoient enſevelis d’autres. En général les tremblemens de terre de la Calabre ont occaſioné les plus grandes révolutions dans la fortune des particuliers. On y a vu les jeux les plus ſinguliers du ſort & du hazard. Pluſieurs de ceux dont tous les biens étoient en mobiliers, en contrats, ou en argent contant, ſe ſont trouvés réduits a la mendicité, quelque fuſſent leurs richeſſes antérieures. D’autres ont été appellés a des héritages, qui ne pouvoient jamais entrer dans leurs eſperances, & qui ne leur appartiennent que par la perte entière des familles les plus nombreuſes. Preſque tous les gens riches ont perdu ; preſque tous les pauvres ont gagné. Ceux ci, outre les profits du pillage, taxèrent ,eux mêmes, les mains d’œuvre a un prix exorbitant. Le beſoin qu’on avoit d’eux pour conſtruire des baraques, ou pour ſauver ce que recelloient les ruines, fit qu’on les paya tout ce qu’ils demanderent.