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& la moins élevée, toutes les précautions enfin, que la prudence humaine peut inventer ne ſauroient lui faire éviter la mort qui le menace. La terre s’ouvre au milieu de ſa course & l’engloutit 10.1 ; le ſol, ſur lequel il a placé ſon humble cabane, ou ſon palais faſtueux, s’abime, ou eſt porté a une grande diſtance, en éprouvant un bouleversement total ; une montagne ſe détache, & l’accable de ſes débris ; les vallées ſe reſſerrent & l’enſeveliſſent. La perte entiere de ſes biens, celle de ſa famille & de ſes amis, la mort même, ne ſont pas les plus grands maux, que pour lors il ait a craindre. Enterré vif ſous les ruines qui ſe ſont amoncelées ſur ſa tête, ſans écraſer la voute ſous la quelle il a cherché un azyle, il eſt condamné a mourir de faim & de rage 10.2, en mau-

diſſant



parée depuis longtems, par des tremblemens de terre, qui pluſieurs fois depuis 1693. avoient ébranlé & lézardé toutes les maiſons, & par le defaut de population & de moyens, qui avoient empêché de les reparer. Un couvent ſolidement & nouvellement bâti au milieu de la Ville n’a nullement ſouffert. Mais en Calabre, rien ne put réſiſter a la violence des ſecouſſes. Le beau couvent des Benedictins de Soriano, bâti avec autant de magnificence que de ſolidité apres les tremblemens de terre de 1659. a été preſque raſé. Cependant pour lui éviter un ſort pareil a celui qu’il avoit éprouvé a cette époque, également fatale pour la Calabre, & ou il fut déjà renverſé ; on donna beaucoup d’épaiſſeur & de baſe aux murs, qui furent conſtruits avec d’exellens materiaux.

10.1. Plusieurs païſans de la plaine de Calabre, fuyants a travers les campagnes, ſe précipiterent dans les fentes, qui se formoient pour lors dant le ſol, & diſparurent.

10.2. Un quart des victimes du tremblement de terre du 5. Fevrier, qui furent enſevelies vives ſous les ruines des édifices écroulés, auroient ſurvecu, ſi on avoit pu leur porter de prompts ſecours. Mais dans un deſaſtre auſſi général, les bras manquoient ;

cha-