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la femme de feu Mr. Daulac, laquelle voyant que nos gens se sauvaient tant qu’ils pouvaient à cause qu’ils n’avaient plus rien pour se défendre, hormis Mr. Lemoine qui avait un pistolet, chacun se fiant à ce que les ennemis ne venaient point en ce temps-là, et voyant qu’il n’y avait aucun homme chez elle pour les aller secourir, prit elle-même une charge de fusils sur ses épaules, et sans craindre une nuée d’Iroquois qu’elle voyait inonder de toutes parts jusqu’à sa maison ; elle courut au devant de nos français qui étaient poursuivis et surtout au devant de Mr. Lemoine qui avait quasi les ennemis sur les épaules et prêts à le saisir ; étant arrivée, elle lui remit ses armes, ce qui fortifia merveilleusement tous nos Français et retint les ennemis, il est vrai que si ces armes eussent été plus en état, on eut pu faire quelque chose davantage, mais toujours cette amazone méritait elle Lien des louanges d’avoir été si généreuse à secourir les siens et à leur donner un moyen pour attendre une plus grande résistance. On ne saurait exprimer les afflictions que causèrent ici les portes que nous finies en ces deux occasions vu ces bons et braves soldats qui y étaient enveloppés, mais Dieu qui n’afflige les corps que pour le plus grand besoin des âmes, se servait merveilleusement bien de toutes ces disgrâces et frayeur pour tenir ici un chacun dans son devoir à l’égard de l’éternité, le vice était alors quasi inconnu ici et la religion y fleurissait de toutes parts bien d’une autre manière qu’elle ne fait pas aujourd’hui dans le temps de la paix. Mais passons outre et venons au mois d’aout où il y eut plusieurs attaques, l’une desquelles entr’autres fut très-désavantageuse à ce lieu pour la perte qu’il y lit d’un bon prêtre qui y rendait très-utilement ses services depuis deux ans que le Séminaire de St. Sulpice l’y avait envoyé. Cet ecclésiastique nommé Mr. Lemaitre avait de forts beaux talents que pour l’amour de Dieu il était venu ensevelir dans ce lieu ici, bénéficiant de ce droit de sépulture que Mr. Ollier avait acquis à son séminaire dès l’année 1640 ; comme nous avons remarqué, notre Seigneur le fit jouir ici deux uns des doux entretiens de la sainte solitude, après lesquels il l’appela à lui du milieu de son désert, permettant que les Iroquois lui coupassent la tête le même jour où Hérode la fit trancher à ce célèbre habitant des déserts de la Judée, St. Jean Baptiste, ce qui arriva de la sorte. Mr. Lemaitre ayant dit la messe et entrant comme il est à présumer de sa piété et ainsi que la fête l’exigeait, dans les désirs de sacrifier sa tête pour J. C. comme son saint précurseur, il s’achemina vers le lieu de St. Gabriel, où étant entré dans un champ avec 14 ou 15 ouvriers lesquels y allaient tourner du blé mouillé, ces braves gens se mirent à travailler chacun de son côté et lais-