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marqué en eux, que nous devons le salut du pays à la frayeur qu’ils ont imprimé en eux, répandant aussi généreusement leur sang qu’ils ont fait pour sa querelle, ce qui se peut pour eux glorieusement remarquer, surtout dans une action laquelle se passa le 20 ou le 27 de mai, au pied du Long Sault un peu au-dessus de cette Isle où 7 de nos Montréalistes étant en parti furent attaqués par 800 Iroquois, sans qu’aucun d’eux voulut jamais demander quartier, chacun pensant à vendre sa vie le plus cher qu’il le pourrait. Voyons le fait : Sur la fin d’avril Mr. d’Aulac garçon de cœur et de famille lequel avait eu quelques commandements dans les armées de France, voulant faire ici quelque coup de main et digne de son courage, tâcha de débaucher 15 où 16 Français afin de les mener en parti au dessus de cette Isle, ce qu’on n/avait point encore osé tenter ; il trouva de braves garçons qui lui promirent de le suivre si M. de Maison-Neufve le trouvait bon, Daulac proposa la chose et il eut son agrément, ensuite chacun se disposa à partir, ils firent un pacte de ne pas demander quartier et se jurèrent fidélité sur ce point ; outre cela, pour être plus fermes à l’égard de cette parole et être mieux en état d’affronter la mort, ils résolurent de mettre tous leur conscience en bon état, de se confesser et communier tous, et ensuite de tous faire leur testament, afin qu’il n’y eut rien qui les inquiéta pour le spirituel ou temporel et qui les empêcha de bien faire ; tout cela exécuté de point en point ils partirent ; Mr. le major avait bien envie de grossir le parti, Mr. Lemoine et Mr. de Belètre avait bien demandé la même chose, mais il voulait faire différer cette entreprise jusqu’après les semences qui se font ici en ce temps-là ; ils disaient que pour lors, ils auraient une quarantaine d’hommes ; mais Daulac et son nombre avait trop envie de voir l’ennemi pour attendre, au reste Daulac voyant que s’il différait, il n’aurait pas l’honneur du commandement, il poussa le plus qu’il put l’affaire et redoutant plus qu’il était bien aise de se pouvoir distinguer, pourvu que cela lui put servir à cause de quelque affaire qu’on disait lui être arrivé en France. Tellement que le voilà parti résolu à tout événement, il ne fut pas bien loin sans attendre une alarme dans un Islet tout vis-à-vis où nous perdîmes trois hommes, il revint avec son monde et poussa si vivement les Iroquois qu’il les eut pris en canot sans qu’ils abandonnèrent tout pour se jeter dans le bois et se sauver, s’il n’eut pas la consolation de les joindre, il eut celle d’avoir leurs dépouilles, entre autres un bon canot dont-il se servit pendant son voyage, qu’ils continuèrent aussitôt avec l’accroissement d’un des leurs, lequel eut honte d’avoir manqué à la parole qu’il avait donné, alors étant tous de compagnie ce nouveau venu à eux, ils dirent un adieu